Ouvrir les yeux

Station 1 : Jésus est condamné à mort

Révélation de soi dans la profondeur de l’être

1-Jésus est condamné à mort-petite

 

Méditation

Démarche artistique

 

Station 2 : Jésus est chargé de sa croix

Accepter ce qui est. Respirer, c’est risquer de vivre

2- Jésus est chargé de sa croix-petite

Méditation

Démarche artistique

 

Station 3 : Jésus tombe une première fois

Laisser apparaître sa faiblesse signe d’humanité

3-Jésus tombe une première fois-petite

Méditation

Démarche artistique

Accepter le regard des autres

Station 4 : Jésus rencontre sa mère

Dans l’épreuve quelqu’un veille toujours. Se laisser réconforter

4- Jésus rencontre sa mère-petite

Méditation

Démarche artistique

 

Station 5 : Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix

Accepter l’aide pour aller plus loin

5-Simon de Cyrène aide Jésus à porter la croix-petite

Méditation

Démarche artistique

 

Station 6 : Véronique essuie le visage de Jésus

Le visage souffrant de l’humanité. Se laisser regarder tel qu’on est.

6-Véronique essuie le visage de Jésus-petite

Méditation

Démarche artistique

Marcher avec sa souffrance

Station 7 : Jésus tombe une deuxième fois

Chuter malgré l’effort accompli de rester debout. Regarder devant et garder confiance

7- Jésus tombe une deuxième fois-petite

Méditation

Démarche artistique

 

Station 8 : Jésus rencontre les femmes de Jérusalem

Les larmes de la vérité irriguent le jardin intérieur de son humanité

8-Jésusrencontre les femmes de Jérusalem-petite

Méditation

Démarche artistique

 

Station 9 : Jésus tombe une troisième fois

Réaliser que rien ne sera plus comme avant. Accueillir l’inconnu

9- Jésus tombe une troisième fois-petite

Méditation

Démarche artistique

Don de soi : joie et accomplissement

Station 10 : Jésus est dépouillé de ses vêtements

La souffrance est une mise à nu de l’être. Mais l’homme garde sa dignité malgré sa déchirure

10-Jésus est dépouillé de ses vêtements-petite

Méditation

Démarche artistique

 

Station 11 : Jésus est cloué sur la croix

Même quand tout semble inéluctable, l’être vidé témoigne.

11- Jésus est cloué sur la croix-petite

Méditation

Démarche artistique

 

Station 12 : Jésus meurt sur la croix

Quand l’être aimé a cessé de respirer, il reste son souvenir. Sa présence indique le chemin.

12-Jésus meurt sur la croix-petite

Méditation

Démarche artistique

Tableau 1

Je commence par réaliser 3 portraits – Jésus est condamné à mort au milieu de malfaiteurs. Première chose à faire, aller au récit mentionné dans les évangiles, l’histoire du bon et du mauvais larron (Lc 23, 40).

Sur le tableau je veux positionner le décor : Cette scène se passe à Jérusalem. Comment signifier le lieu ?

Il me vient une idée : trouver à quel moment la commémoration du chemin de croix est apparue dans l’Église ?

Au 13ème siècle les croisés reconquièrent Jérusalem après l’invasion des musulmans. Les franciscains sont en Terre sainte depuis 1220 et fondent en 1342, la Custodie de Terre sainte (institution catholique responsable des intérêts de l’Église catholique en terre sainte). Entre ces deux dates, suivant eux-mêmes le rite traditionnel en usage dans l’église orthodoxe locale, ils le transposent progressivement dans leur église en Italie. Les chemins de croix ont été crées sous le pape Clément XII en 1731 dans les autres églises. Je choisis donc de symboliser Jérusalem par des émaux entiers, bordeaux et oranges, positionnés en losange comme sur les fenêtres des nobles dans les châteaux du Moyen-âge.

Autre chose me tient à cœur : la fête des Rameaux qui est une période joyeuse. Elle précède la Semaine Sainte de la Passion du Christ. Pourquoi ne pas la prolonger en faisant apparaître des feuilles vertes symbolisant les Rameaux dans tous les tableaux, en signe d’espérance ?

J’ai aussi envie de représenter le ciel en mouvement, histoire de montrer que Dieu (au Ciel) n’est pas indifférent à ce qui se passe sur terre.

J’aimerai que les expressions des visages correspondent à ce que je veux en dire : Je choisis de faire un Jésus qui regarde devant lui, un mauvais larron qui tourne la tête et refuse la vérité et un bon larron lucide et plein de confiance.

Le regard de Jésus me pose problème dès le début. Les yeux que je représente sont tellement gros qu’ils semblent sortir de leur orbite. Je dois retailler. Maintenant ils font mesquin. Je décide de mettre de côté cette difficulté et de me concentrer sur le visage du mauvais larron. Je me régale à faire sa chevelure qui n’en finit pas. Il représente l’homme de la Tradition du peuple du Livre (sur la gauche du tableau, la barbe longue, le scheik sur la tête).

Dans le tableau du Père Marko l’œil gauche de Jésus est mêlé avec l’œil droit du bon larron. Je préfère les laisser séparer même si je comprends que l’artiste a voulu montrer le lien important des deux personnages puisque Jésus annonce au bon larron qu’aujourd’hui même il sera en paradis avec lui. Moi, je préfère que le Christ regarde en face, comme s’il se parlait à lui-même et qu’il se disait : « Ça y est, me voilà au cœur du sujet » et qu’il se concentrait sur ce qui l’attend.

Le bon larron représente les païens, mais aussi les étrangers (coupe de cheveux à la romaine).

 

Tableau 2

Les yeux de Jésus sont placés au niveau haut de la croix comme si celle-ci est une ligne d’horizon, un chemin à suivre. Le regard est déterminé. Pour l’instant, il est devant la croix. Mais paradoxalement son auréole fait fi de règles de l’espace. Elle est représentée à la fois derrière la croix (en haut à gauche du tableau), reliée au ciel, et devant la croix (en haut et jusqu’au milieu du tableau à droite). J’y vois comme un signe que le Ciel (Dieu) est au contact de la terre (le bois de la croix construit par les hommes). On pourrait même dire qu’à travers ce symbole de la sainteté, Dieu se fait présence et participe à l’effort de la croix.

 La main de Jésus n’est pas uniforme pour montrer qu’il y a une tension due à la crispation des doigts sur la croix.  Elle est blanche tachetée de beige : mon idée est que Jésus est imprégné de l’humanité souffrante dès qu’il est au contact de la croix, car la croix est l’humanité. La main tient fermement la croix pour signifier la volonté d’aller de l’avant, de faire la volonté du Père, mais aussi de faire corps avec cette humanité. En tenant la croix, c’est une peu comme si Jésus tenait la main de tous les êtres souffrants réunis.

La bouche de Jésus me donne du fil à retordre. Je n’arrive pas à lui donner un aspect de souffrance. Je contourne la difficulté en décidant de la décentrer légèrement pour donner au bas du visage un aspect déformé.

En ce qui concerne la chevelure, ma première intention est de la faire longue pour cacher le cou. Mais je me rends compte qu’en réduisant le cou, on perd le port altier de Jésus (côté royal). Donc, je défais ce que j’ai commencé pour lui faire la coupe dégagée.

Le vêtement de Jésus est blanc immaculé, signe de pureté. Le cou est long et altier, signe de la royauté du Christ.

Je décide de faire le ciel comme dans le premier tableau avec beaucoup de bleu clair et vif jusqu’à ce que je m’aperçoive que j’enlève ainsi la partie dramatique (sombre) de la scène. Qu’à cela ne tienne, je défais (la colle n’est pas sèche, je nettoie mes petits morceaux de ciel clair pour les récupérer ensuite) et je taille des morceaux d’émaux gris foncés et noirs.

Les feuilles des Rameaux forment un tapis de verdure autour de Jésus. Je veux signifier que l’espérance et la confiance en son Père, aide Jésus à porter la croix.

Tableau 3

Au bout de quelques jours de réflexion et de dessins faits et refaits, je décide de désarticuler la croix et le personnage. La première est moins massive que sur le tableau précédent, plutôt ajustée à la taille de la tête de Jésus que je veux diminuer grandement pour signifier la faiblesse et ainsi renforcer la chute. La croix pourrait être vue comme un oreiller si la main de Jésus ne trahissait pas la chute.

Son visage est vu de face tout en étant de profil (yeux tournés vers le sol), alors que son habit est vu de face (en bas à droite du tableau) ce qui donne une impression de désarticulation.

Sa main est positionnée côté paume sur les pavés et j’ajoute des petites tesselles rouges pour signifier les blessures. Elle est plutôt représentée féminine, main de pianiste (longs doigts fins) pour rajouter l’impression de douceur, de fragilité. J’entends souvent de la musique quand je crée un tableau. La position des tesselles m’évoquent des sons, une histoire.

L’idée des feuilles éparpillées pour signifier le désordre, le drame, ne me vient que tardivement, quand je termine la chevelure de Jésus représentée en mèches de couleurs différentes séparées les unes des autres pour accentuer le mouvement de la chute.

J’utiliserai cette représentation dans tous les tableaux qui retraceront une tension, un drame pour faire des correspondances entre les uns et les autres.

Tableau 4

Deux personnages : Jésus et Marie, la mère et le fils.

Jésus semble avoir le visage contre celui de sa mère (malgré la croix qui les sépare) pour signifier qu’ils sont unis l’un à l’autre (auréole unique). Seule Marie a les yeux tournés vers son fils tandis que lui regarde un œil vers elle (œil en commun) et l’autre en face. Il doit poursuivre son chemin. Je me mets à la place de Marie. Je me dis que je serais très inquiète pour mon fils. Elle n’a d’yeux que pour son fils.

La croix prend beaucoup de place entre eux. Marie semble derrière la croix, mais en même temps elle est aux côtés de son fils qui est devant la croix. Il semble que Marie ait déjà traversé la croix en tant que mère déchirée par l’épreuve de Jésus. L’humanité qui juge et condamne ne saurait cependant la séparer de celui qu’elle a enfantée. Elle reste aussi derrière son fils comme si elle continuait de le suivre sur son chemin. Où qu’il aille, elle sera toujours derrière lui. Elle est témoin et  garde tous ces événements dans son cœur  (Lc 2, 18). Elle est sa première disciple. Elle est également la première à accueillir et à entrer dans le mystère de la croix. Elle doit, par le sacrifice et la mort de son fils, accepter de « laisser partir » (« Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi comme tu l’as dit !» Lc 1, 38 ). Elle doit apprendre à devenir une mère autrement (« Jésus voyant sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait dit à sa mère : « femme, voici ton fils ». Puis il dit au disciple : « Voici ta mère » Jn 19, 25-27).

J’ai exagéré la longueur du cou de Jésus comme s’il étirait son cou afin que son visage touche celui de sa mère. Ainsi, si Jésus est le Christ sauveur de l’humanité, il est aussi un fils qui recherche le contact. Il passe par-dessus la croix.

Tableau 5

Je suis allée me renseigner sur ce Simon de Cyrène qui a aidé Jésus à porter la croix. D’après les Écritures, c’est un ouvrier agricole, étranger (Cyrène est une colonie grecque en Afrique du Nord, actuellement en Libye) donc impur selon la tradition juive, à qui on donne l’ordre d’aider Jésus. Il n’y a donc pas de compassion de sa part vis à vis de Jésus.
Le Père Marko a volontairement caché une partie du visage de Simon pour signifier qu’il n’était personne. Dans mon tableau Simon est aussi en partie caché. Il est blanc comme un linge pour signifier qu’il a peur. Il n’ose pas regarder Jésus qui est juif, certainement comme on le lui avait appris. Mais le regard de Jésus posé sur lui, lui donne une identité. On peut aussi imaginer que le regard de Simon est celui d’un étonnement face à ce qui lui arrive.

L’œil gauche de Jésus semble sortir de son orbite. Je l’ai recommencé deux fois. Finalement, en méditant sur le texte j’en ai conclu que je devais tailler l’œil comme il était la première fois pour dire que Jésus va chercher le regard de Simon. Il ne se contente pas seulement de le regarder.

J’ai aussi voulu donner la parole aux mains. Jésus a la main sur la croix. Elle est immaculée pour signifier la pureté. Celle de Simon tient la croix pour signifier qu’il porte quelque chose de lourd en lui. En fait, la croix de Jésus devient sa croix. Sa main change de couleur, pour dire qu’au contact de Jésus, Simon se purifie.

La manche du vêtement de Jésus a perdu volontairement sa blancheur, d’une part pour accentuer la blancheur de la main, mais aussi pour dire que Jésus est assombrit par le comportement inattendu de l’humanité. Sa manche a pris la couleur de la main de Simon.

La couronne de feuilles qui symbolise la joie apparaît au-dessus de la tête de Simon en même temps qu’elle est sur le sol (car il ne faut pas oublier que cette joie est quand même mise à mal). Cette idée m’est venue quand j’ai fait la main de Simon avec le dégradé de beige et de blanc. Elle montre que Simon peut lui aussi, par Jésus, accéder au Royaume et prétendre à l’Amour de Dieu.